Je l'ai déja dit, je suis d'ordinaire fermement opposé à l'idée
selon laquelle, mettons, jeux vidéos violents => joueurs violents,
ou simplement qu'on peut attribuer aux médias et à la pub un quelconque
impact à long terme. Ce que j'écris, ce que dit Pujadas et les gerbes
de sang du premier Doom venu, tout cela sera oublié dans les 12 heures
qui suivent...
Pourtant,
la perfusion de films et de série booooorn in the USAAAAA sous laquelle
est la France depuis, oh, mettons, 40 ans, a possiblement eu un impact
un peu plus profond sur elle que je ne l'imaginais, puisque ce qu'on
vient d'élire c'est, fondamentalement, toutes les caractéristiques du
rêve américain dans un costume trois pièces. C'est jeune, c'est un peu
flippant, c'est surtout supra ambitieux (ce que ses supporters
acclament comme une vertu), c'est le self-made man ultime, et même ses
trahisons politiques seront bientôt acclamées comme "good business".
Sans même parler de ses idées hein, même si elles auront (espérons-le)
peut-être comme effet de remettre la phrénologie au gout du jour. Ca et
puis, l'immigration choisie vous a comme un vieux goût d'Ellis Island,
non ? (Aparté : Que j'aime cet euphémisme, "immigration choisie", vous
pouvez pas savoir. Un peu comme si on appelait un camp de concentration
(déjà un euphémisme, à la base) une "Zone de rééducation par le
travail", voyez ? On dira ce qu'on voudra, oser se foutre aussi
ouvertement de la gueule du monde, ca suppose la possession d'une paire
de couilles au volume plus que remarquable et d'un fort beau gabarit.
Fin de l'aparté)
Mitterand était l'incarnation de l'exception
culturelle bien profonde : cultivé à en crever, corrompu jusqu'à la
moelle, magouilleur, élitiste de gôche, la petite bourgeoisie
franco-française mise sous verre. Chirac était déja moins politicien,
déja plus industriel/technocrate - dans sa jeunesse, il ressemblait à
un Concorde. Mais il vouait encore ce culte un peu malsain à De Gaulle
qui le faisait l'imiter, c'est à dire dire toujours merde à Washington
juste parce que, avant de chercher une vraie raison. On peut voir ca
comme un bien ou un mal, ca n'a pas d'importance : à travers lui, la
France était encore différente.
Mais là, on se retrouve donc un
petit parvenu plus ou moins inculte qui a promis de dire oui-oui si
jamais l'Amérique avait besoin de nos canons. Et qui s'est fait élire
sur... l'insécurité. Or l'insécurité n'existe pas, ou plutôt, elle a
*toujours* existé. Les banlieues ont toujours été moisies, les fils
d'ouvriers ont toujours foutu le bordel, la seule différence c'est
qu'avant ils avaient encore un peu de sens esthétique (oui parce
qu'avouez qu'un blouson noir clouté et une Harley graisseuse, c'est un
tout p'tit peu plus intimidant qu'un survet jaune fluo et un Nokia.
J'dis ca, j'dis rien). Mais l'insécurité, le besoin de lutter contre
l'Autre, l'Envahisseur et les gangs de L.A., c'est surtout le grand
moteur scénaristique comme politique (mais les deux sont si proches...)
américain, surtout post 9/11, développé et surjoué à mort par
Hollywood, par CNN, par HBO. Donc, dont on prend les séquelles dans la
gueule 24/24. Ca a marché pour Geobbels, ca a marché pour W junior, pas
de raison que ca marche pas ici non plus, vous me direz. Donc, c'est
pas un point spécialement important de mon argumentaire, OK. C'est
juste troublant comme coïncidence, moi j'dis.
La vérité, c'est
que la France n'a pas vraiment changé, en fait. On se moque toujours de
"ces gros boeufs de ricains", et ca n'est toujours pas perçu comme du
racisme et/ou de l'ethnocentrisme bas de gamme même si moi,
personnellement, ca me donne envie de coller des drop kicks. On reste
toujours autant des branleurs qui croient nettement plus au jeu des
relations qu'au travail acharné, on a toujours l'hégémonie mondiale et
non disputée sur le pédantisme culturel, artistique et culinaire...
Alors je
m'explique justement pas pourquoi on a élu un américain. Ou plutôt, je
me demande si c'est un symptôme, le stigmate d'un changement qui ne
m'apparait pas évident par ailleurs, ou si au contraire ca va être la
CAUSE d'un changement vers une pensée plus... enfin moins... enfin tu
vois, quoi ? Non ? Ah bon.